lundi 27 novembre 2017

"Le caractère sacré", de Xavier Frandon


« le caractère sacré » de Xavier Frandon, est son deuxième recueil de poésie, publié cette fois-ci par les Éditions du Cygne, après « L'adieu au Loing », édité par le Citron Gare en 2016.

Assurément, ce livre ne se laisse pas résumer facilement. Il résiste à l'analyse habituelle et sa valeur poétique vient en partie de la richesse de climats qu'il développe, faisant alterner le chaud et le froid, l'ironie et le sérieux, la provocation et la gravité.

Premier constat : comme dans « L'adieu au Loing », « Le caractère sacré » se compose de poèmes mesurés, qui, souvent, sont des sonnets.

Ce format d'écriture convient à merveille à l'auteur qui n'a même pas besoin de faire rimer les mots pour composer des poèmes qui soient en vers que l'on dirait classiques. D'où leur caractère rythmé qui donne au style de Xavier Frandon son originalité inimitable. Pensez-vous : en 2017, des poèmes dont on sent qu'il ne peut s'agir de proses découpées en vers !…

Deuxième constat : derrière la variété et la richesse du champ lexical, en définitive, le lecteur finit par se convaincre que le principal sujet de ces poèmes est la poésie et le poète, ce qui est confirmé par la 4e de couverture.

Mais là où, la plupart du temps, on tombe dans la tautologie primaire, du style « la poésie est la poésie » (bien joué les gars, j'y aurais pas pensé!), avec Xavier Frandon, le lecteur ressent une sincère préoccupation de faire rentrer la poésie dans d'autres mondes que le poétique.

Il y a aussi ce réflexe pour le poète de se planquer, qui sait, par pudeur, derrière la variété de ses mots. On sent toujours ce bougé de l'auteur qui n'a pas envie d'être saisi, ce qui ne peut que plaire à un lecteur peu amoureux des évidences...

Extrait de "Le caractère sacré", de Xavier Frandon :

"Je suis trop matérialiste ce soir pour écrire
Un roman - une buse sur un poteau au bord...
De l'autoroute - un oignon émincé dans sa peau
De discours - mon dieu que je m'en veux de m'étendre !

Si on ne me publie pas, on ne me publie pas
Mes textes, et rien d'autre quand je m'en irai
J'espère aurais-je ce choix de vous dire encore comme
Je vous aime, mes alter ego, mes flashs amers...

Je dis : ;;; la mer, et je dis les oiseaux, ... mais il
Fait nuit, c'est... le soir poussé à sa limite
Et je m'y assagis... à cause de la fatigue.

Il y a peut-être.. un autocrate, qui, de son dédain,
Nous appelle avec raison. S'il le pense... au fond...
Ce soir je pense que la poésie... est très grave."

L'illustration de couverture est de MAAP.

Si vous souhaitez en savoir plus sur « Le caractère sacré », de Xavier Frandon, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de son éditeur, http://wwweditions.ducygne.com/

"Absent présent", de Damien Paisant


Premier recueil de Damien Paisant, publié par les Editions Abordo, « Absent présent » est parfaitement résumé par son titre.

Peu importe qui est l'absent, pour le lecteur.

Ce qui est important, c'est de constater que, tantôt l’absent semble s'oublier, tantôt il semble être recherché par le je du texte. Il n'en reste pas moins que la jonction entre les deux entités ne s'opère jamais.

Divisé en trois parties, ce livre de petit format comprend 50 poèmes, qui sont traversés par un même courant de déni, ou d'obsession éperdue.

Le style de Damien Paisant étonne par ce refus, qui apparaît, de se laisser embarquer par la valse des sentiments, qui servirait de traitement trop facile à la perte.

Le ton est parfois dur. Il arrive aussi que le vocabulaire de la religion soit utilisé, chose assez rare dans la poésie actuelle. Mais ce n'est pas pour susciter la pitié, mais pour éloigner les tentations de facilité.

Il y a enfin dans ces poèmes le refus du trop plein d'images, auxquelles sont préférées des expressions plus abstraites.

Extrait de « Absent présent » :

« Déshabillé par des jours impudiques
j'ai perdu
ce qui me tenait de jeunesse
et qui me protégeait du froid

Aujourd'hui je cherche
à m'habiller autrement

gagnant à mieux connaître
le soleil d'hiver
et ses longues mains
qu'il me tend.

Le salut reste peut-être
un moyen de renaître

un moyen de ne vieillir
qu'en surface

les traits marqués
par une profonde nudité. »


Si vous souhaitez en savoir plus sur « Absent présent », de Damien Paisant, qui est vendu au prix de 9 €, rendez-vous sur le site de son éditeur, Abordo : http://www.abordo.fr

vendredi 24 novembre 2017

"La vie comme elle va", de Sophie Desseigne

Publié dans la collection Polder de la revue Décharge, "La vie comme elle va", de Sophie Desseigne, est une suite de courts poèmes en vers libres, qui prennent "La vie comme elle va".

En effet, ces poèmes sont écrits à partir de l'observation des personnes rencontrées dans la vie courante ou des scènes vécues au jour le jour.

Même si quelques poèmes sont sans doute un peu trop faciles (mais qui n'en n'écrit pas ?), l'auteur sait parfaitement saisir la poésie d'une situation en la résumant d'un trait.

Et, comme le dit Christian Degoutte dans sa préface, cela va d'ailleurs un peu plus loin : le trait n'est pas extérieur ou superficiel, il peut être également, et par exemple, critique des maladies contemporaines (racisme, intolérance). Bref, ce genre de poèmes qui visent plus juste que de longs discours. Du net qui se lit bien.

Extraits de "La vie comme elle va", de Sophie Desseigne :

"Segmentés détaillés
déportés charniers
sans-papiers déplacés
réfugiés
la solution finale
s'est banalisée."

Et :

"Les âmes blessées reposent
sur un transat au bord de la piscine
elles font des exercices
de retour au monde
parfois l'éclat d'un massif de fleurs
les éblouit par sa beauté
et elles repartent fragiles et trébuchantes
sur le chemin de la vie."

La quatrième de couverture est d'Yves-Jacques Bouin et l'illustration de Virginie Fidon.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "La vie comme elle va", de Sophie Desseigne, qui est vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le site de la revue Décharge : http://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html

"Un début de réalité", de Marc Guimo

Publié dans la collection Polder de la revue Décharge, "Un début de réalité", premier recueil de poésie de Marc Guimo m'a particulièrement plu, car déjà - ce n'est pas si souvent - il prend place dans la réalité commune : celle du monde du travail.

Même si parfois difficile à supporter, il existe et il ne faudrait donc pas l'oublier dans le décor. Alors, bien sûr, Marc Guimo n'est pas tendre avec lui. Il fustige son hypocrisie congénitale, mais montre comment on peut essayer de résister à ça (sans justement résister !).

Dans "Un début de réalité", l'auteur tient compte également du rôle joué par les nouveaux modes de communication (Internet, ordinateur), enfin, façon de parler, puisque ces modes de communication ont tendance à tenir les hommes un peu plus à distance les uns des autres.

Malgré tout, le monde des écrans peut générer une nouvelle poésie : celle des fantômes, ou des cadavres, celle aussi des raccourcis  qui tuent. Et c'est ce savoir-faire ironique et rempli de dérision que l'auteur nous invite à voir dans "Un début de réalité".

Le style de Marc Guimo est coupant, comme gauchi par les nouvelles technologies, et revêt aussi l'habit abstrait de l'immatériel.

En voilà donc, de la vraie poésie urbaine !

Extrait du recueil : "RDV avec une autre réalité"

"Cet homme a RDV dans un bureau
Ce n'est pas un RDV sympathique ni érotique
Les scénaristes n'avaient pas assez fumé
Et aucun des deux personnages n'avait fumé
Cet homme commençait à le regretter
   profondément
Le problème du RDV mal préparé
Quand on y est
C'est qu'on ne peut pas demander à sortir
Faire une pause
Pour fumer et se détendre
On ne peut pas non plus compter
Sur des drogues plus précises
Qui sont restées dans un tiroir dans un autre
    bureau
On est nu et de plus en plus nu
Quand vient le tour de parler
On a des choses à dire mais il ne faut pas les dire
En 2016, dans 8 m² de bureau en France
On n'est pas en sécurité
On est dans une fiction qui écrase toutes les
   autres
Où la qualité de vie dépend de quelques mots
Certains jouent mieux que d'autres
Comme s'ils étaient nés dans un bureau
Mais cet homme est né à l'ancienne
Il a du mal à donner ce qu'on veut
Il voit d'autres scénarios
Il a envie d'écrire et de réécrire la scène
Ecrire qu’il va sortir du bureau
Sans une seule trace d'écrasement".

La préface de "Un début de réalité" est signée de François-Xavier Farine.

La couverture est de Jaya Suberg.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Un début de réalité", de Marc Guimo, qui est vendu aux prix de 6 €, rendez-vous sur le site de la revue Décharge : http://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html

mardi 14 novembre 2017

« Le poids du monde », de Marlène Tissot


Publiée en 2014 par les Éditions Lunatique dans sa collection « 36e Deux Sous », puis rééditée en 2017, « Le poids du monde », nouvelle de Marlène Tissot, a obtenu cette année le prix Livresse, décerné par le lycée Corduan de Royan.

Derrière son apparente simplicité de lecture, « Le poids du monde » contient une analyse très fine des entrelacs de la pensée du personnage principal, analyse qui n'a rien d'artificielle et qui s'inscrit dans la réalité vécue.

Du point de vue du style, il n'y a rien à jeter. Tout y est, même l'ambiance.

Ce qui fait plaisir, c'est de constater que cette nouvelle, qui traite du sombre problème contemporain de la misère due au chômage et du déni de soi qu'il provoque, a obtenu un prix décerné par de jeunes lecteurs.

Histoire de dire que personne n'est dupe de la situation actuelle, même si elle n'est pas précisément belle.

Voici comment commence « Le poids du monde », de Marlène Tissot, histoire de vous mettre illico dans le bain.

« Il y a cette petite baraque, là-bas, au milieu d'un jardin abandonné. Les volets sont fermés, certains sont cassés. Une vieille pancarte indique « A VENDRE ». La peinture s'écaille. Personne n'a l'air de s'y intéresser. On la regarde à chaque fois qu'on passe par ici. Lili dit que ce serait chouette une maison comme ça avec un bout de jardin. Ouvrir les fenêtres le matin et ne plus avoir ces foutus entrepôts en guise de paysage. On pourrait même planter un cerisier. Elle sourit. Je ne sais pas comment elle fait pour rêver si facilement, Lili. Moi, je n'y arrive plus depuis longtemps. »

L'illustration de couverture est de l'auteur.

Pour en savoir plus sur « Le poids du monde », de Marlène Tissot, qui est vendu au prix de 5 €, rendez-vous sur le site de son éditeur, http://www.editions-lunatique.com/marlene-tissot

jeudi 2 novembre 2017

"Les samedis sont au marché", de Thierry Radière

Publié par les éditions « Les Carnets du Dessert de Lune », « Les samedis sont au marché », de Thierry Radière, est un recueil de poèmes en prose inspirés par les étals du marché du samedi, comme son titre l'indique.

N'allez pas croire qu'à chaque texte corresponde son marchand. Le but n'est pas de faire à cette corporation de la publicité, même si cela pourrait presque en tenir lieu parfois.

Les textes regroupent les impressions de l'auteur autour de l'idée d'aller au marché, d'y passer du temps : liste de courses à faire ou ne pas faire, trajet pour y aller, rencontres faites sur les lieux.

L'originalité de ces poèmes en prose est d'agrandir le cercle de la seule vision de l'étal, car, tout en partant de là, s'opèrent des associations d'idées qui font croire à l'immensité du décor, celui-ci prenant les dimensions d'un monde (le monde entier regroupé dans une coque de noix, comme disait Joyce, de mémoire).

Ou bien, le voyage, au lieu de se faire dans l'espace, se fait dans le temps, en direction des souvenirs d'enfance, bien sûr.

Mais plus poétiquement encore, on aime ici passer du coq à l'âne, comme par exemple dans « Le téléphone et l'Inde » :

« Cela fait au moins un an que nous ne l'avions pas revu au marché. C'est vrai j'aurais pu l'appeler si j'avais vraiment voulu avoir de ses nouvelles. Pendant qu'il nous racontait ce qui lui était arrivé, j'étais concerntré sur l'énigme du téléphone que j'avais de plus en plus de mal à décrocher avec le temps. Il avait déménagé, était revenu, puis reparti pour un long voyage en Inde et ça l'avait transformé. Je l'écoutais d'une oreille distraite pnsant sans cesse à mon manque de courage avec le téléphone. L'Inde : soit on adore, soit on détste. C'est un peu comme le télphone, pensais-je. Ce qui l'avait le plus marqué là-bas, c'étaient les morceaux de cortps humains ou animaux flottant à la surface du Gange. Je ne comprenais pas comment j'en étais arrivé à détster donner des coups de fil à mes amis. Les indiens appartiennent à un peuple violent, finit-il par nous dire, mais on ne le dit jamais. »

Autour du marché, l'aventure est plus largement poétique que vécue.

Les illustrations (dont celle de couverture) sont de Virgine Dolle.

Le livre est préfacé par Denis Montebello.

Si vous souhaitez en savoir plus sur « Les samedis sont au marché », de Thierry Radière, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.dessertdelune.be