samedi 23 mai 2015

"Vers les fjords de l'ouest", de Bruno Sourdin


Ce recueil, dirait l'intello, c'est la réactualisation du mythe de Leiff Eriksson, ce chef guerrier islandais parti au Moyen Age à la conquête des "fjords de l'ouest" du continent américain.
Dans les vers libres de Bruno Sourdin, mais avec presque le même nombre de mots, cela équivaut à se mettre dans la peau d'un autre qui est aussi une part de soi-même, un peu poète maudit sur les bords. Cet autre soi-même prend la fuite pour ne plus voir les horreurs du monde, et aussi celles du temps qui passe.
J'aime bien cette poésie qui donne l'impression d'avoir été écrite à l'arrache, avec ses tripes.
Si la tonalité de la première partie de "Vers les fjords de l'ouest" est plutôt sombre, ce qui ne me déplait pas, loin de là, la soif du dehors prend peu à peu le dessus et à la fin, on sent que Leif est prêt à disparaître, "dans l'ivresse et le bruit neufs", pour citer Rimbaud.
Allégresse de l'aventure, effacement du présent immédiatement après usage.
Une attitude lucide, qui donne l'envie d'être vécue.
L'illustration de couverture est de Pascal Ulrich.

Un poème extrait de "au pied du snaefellsjökull" :

"Leif le chanceux se 
lève à l'aube il
est dépouillé il disparaît
dans un nuage de
cendres il se tait
et comme les hommes
de la montagne vide
il ne regrette rien
la nuit il sort
de l'eau et vient
danser en se tordant
il pousse des cris
d'effroi il fait sauter
des grottes de lave
à l'aube il file
les dents  serrées par
la colère il glisse
dans l'île des obscurs
et il se tait

la douleur est comme
une vague sans fin
qui déferle et qui
nous ronge si furieusement
la menace battements syncopes
l'immense grondement des volcans
allons allons partons comme
une boule de feu
dans les nuages sombres
l'inévitable est déchaîné"

Pour commander "Vers les fjords de l'ouest", qui est publié par "les éditions du contentieux", et qui est vendu au prix de 8 €, vous pouvez contacter Robert Roman, son éditeur : romanrobert60@gmail.com

mercredi 20 mai 2015

"Asinus in fabula", de Guido Furci


"Asinus in fabula" est, comme le dit l'auteur, un "récit en vers adressé à un fantôme". C'est là résumer, par une formule shakespearienne, toutes ses caractéristiques.
Il s'agit ici surtout de poésie par l'effet produit plus que par l'écriture, qui demeure très dépouillée et distanciée.
Ou bien alors, c'est de la poésie oralisée.
Composé de 4 parties de 24 strophes chacune, séparées par un intermède, "Asinus in fabula" fonctionne par variations sur la répétition d'une (ou de plusieurs) phrases de départ, dont la signification varie en même temps que les mots.
Dans cet ensemble, un deuil familial est évoqué à huit-clos. Un enfant est mort à l'âge de trois ans et sa disparition est déplorée.
En lisant "Asinus in fabula", je me suis dit que j'aimerais entendre ces poèmes mis en scène et enregistrés sur bande magnétique, car ils tiennent à la fois du genre narratif et de la dramaturgie.
En voici le début :

"Le cousin de Marion s'appelait Nicolas.
Il est mort à l'âge de trois ans. Il avait une maladie rare.

Je n'ai pas envie d'en parler.
Si je le faisais, j'aurais peur que Marion ait, ou puisse transmettre à ses enfants, la même maladie.

Je n'ai pas envie que Marion soit malade.
Si j'en avais envie, je ne l'aimerais pas; je n'aimerais pas nos enfants.

Je n'ai pas envie que nos enfants soient malades.
Si j'en avais envie, je ne les aimerais pas; je n'aimerais pas nos enfants qui n'existent pas encore".


Pour vous procurer "Asinus in fabula" de Guido Furci, livre vendu au prix de 12 €, vous pouvez vous rendre sur le site de l'éditeur (Cardère) : http://www.cardere.fr

jeudi 14 mai 2015

"Un tel bombardement", de Pierre Andréani



C'est un monde chaotique que décrit Pierre Andreani, dans son premier recueil publié, préfacé par Jacques Lucchesi, éditeur marseillais du "Port d'attache".
Un monde en guerre qui a apparemment subi la guerre, comme l'indique le titre du recueil : "Un tel bombardement".
Mais aussi et plus sûrement, un monde moderne, le nôtre, dans lequel il y a sans doute trop de choses. Je pourrais presque parler de bombardements d'images, qui restituent la vitesse des engins roulants et des changements d'écrans. D'ailleurs, les bombardés sont aussi hostiles que les bombardements. C'est qu'il y a également trop d'hommes dans ce monde, puisque s'y produit le choc des générations, entre jeunes et vieux, par exemple.
Et le poète ne peut que se bagarrer avec son humour noir dans cet espace hostile ou indifférent.
J'ai beaucoup aimé dans l'écriture de Pierre Andreani, le sens du détail. Le rythme ample de ses phrases, découpés comme des versets, et qui sont comme bombardés, par des incrustations d'adjectifs, de ponctuations. Un beau mélange de moderne et d'ancien. Une écriture assurée au style presque aristocratique, qui fait du poète un seigneur au milieu d'un environnement banal.
Voici, extrait de "Un tel bombardement", "Venir d'ici-bas" :

"Il y a tellement d'images brossées, violettes, jaunes et
    bleues qui vitupèrent dans l'assise, le dos crawlé.

Ouste grands espaces ! Voici le pays où les cerveaux
    macèrent, huileux, gonflés.

Plus loin, nous en aurions le souffle coupé de voir
    que la mer est belle, large et souveraine.

Et nous voudrions comme chez vous, nous confiner
    dans le bastion chéri !"

Pour en savoir plus sur "Un tel bombardement", vendu au prix de 5 €, vous pouvez aller faire un tour sur le blog de l'éditeur (Milagro) : http://milagro-hrz.blogspot.fr ou sur celui de l'auteur : htp://p-andrean.blogspot.fr