lundi 23 juin 2014

"Champs de lutte", de Franck Doyen



Enfin un texte qui ne cherche pas à faire passer la nature pour quelque chose d'idyllique. Enfin un texte d'écologie salutaire, où le poète se salit les mains dans les bois et les plaines. Peut-être aussi un chant de champ bien venu contre l'incinération.
Les 49 poèmes qui composent "Champs de lutte", étroitement unis à la terre, y restent bien, dans l'humus.
Et ça respire peut-être avec difficulté, je veux dire par saccades, mais ça respire vrai.
Comme le titre de ce livre "Champs de lutte" l'indique, il existe une vraie confrontation du corps avec la nature, celle qui mord vite et qui pourrit lentement.
Il n'y a ni vainqueur ni vaincu dans cette confrontation qui dure tant que coule le sang. Et c'est bien comme ça !
J'aime beaucoup ce côté poésie commando camouflage des textes de Franck Doyen, déjà éprouvée à travers ses livres précédents '"Vous dans la montagne", "Littoral").
Mais cette braie bagarre me semble mieux ressortir de ces vers courts et bien découpés (les vers de la terre !), que dans le format de la prose. Car la respiration y est naturellement coupée. Et cela ajoute à la densité du paysage vécu de l'intérieur.
Et pour moi, ce n'est pas non plus qu'une métaphore de l'écriture, c'est une réalité qui en sort, tout simplement.
Un petit poème pour la route ci-dessous reproduit, la force déployée n'ayant pas besoin de beaucoup de mots pour agir :
 
"33
 
Parler 
aux pruniers
aux arbres morts
aux noyaux aux pépins enterrés
 
vous frottez vos dents
silex dans la nuit
barbelés spectres rouillés
ombres féroces
de marcher à force
 
l'immobile s'enfonce
sans plus de forme"
 
Quelques mots enfin sur l'objet livre, aux format et au design réussis. La première de couverture avec ce rond découpé et derrière, la première des peintures d'Aaron Clarke, disséminées au fil des pages, noir avec un peu de vert couleur banc, un beau vert chaleureux dans la nuit de la terre.
Actuellement, j'ajoute que Franck Doyen déploie "Champs de lutte" sous une "forme poétique dansée", avec la complicité d'Aurore Gruel, danseuse, et de Sandrine Gironde, regard extérieur.
Et pour en savoir plus sur ce livre, "Champs de lutte", vendu au prix de 18 €, vous pouvez aller faire un tour sur le site des éditions : http//www.aencrages.com/

samedi 21 juin 2014

"Planches", de Samuel Dudouit


 
Cette fois-ci, Samuel Dudouit se sert du symbole de la planche pour prendre son envol dans l'écriture. Et qui plus est, dans ce livre, l'auteur parle avant tout d'écriture. A cet égard, la planche peut symboliser le support de l'écriture, comme le texte lui-même, ou cet alignement de mots parallèles aux fibres du bois.
Mais au lieu de s'enfermer dans cette métaphore somme toute rigide, Samuel Dudouit a l'élégance de nous donner à lire une suite d'images, qui ressemblent à des planches de dessins. Et finalement, le lecteur voit défiler devant lui un paysage mental à chaque fois renouvelé. Du coup, cette suite de poèmes sur l'écriture se lit très bien, sans que la théorie philosophique reprenne le dessus.
En même temps que ces images est décrite l'impossibilité à laquelle le poète se heurte, de décrire la réalité réelle. Et ces maudits mots s'échappent encore et toujours pour créer une autre réalité, la leur, qui n'est jamais vraiment celle que voudrait écrire l'auteur.
Ce phénomène auquel chaque auteur se trouve naturellement confronté quand il écrit, est ici raconté avec naturel.
Car derrière les mots, il n'y a que l'impuissance. Et parfois, bien que cela soit difficile à admettre, le pouvoir des images consiste ici à rendre l'acceptation plus douce.
Un bien beau recueil de poèmes, bien écrit, sans que cela se voie trop !
 
"le ruisseau coule au pied du lit
des batraciens à peau froide s'accrochent au bas des draps
tandis qu'à mon poignet une montre semble chercher mon pouls
j'ai perdu le fil
il n'y a rien à comprendre sans doute
et quand j'éclaire le cadran avec la flamme du briquet
tout reste obscur en moi
excepté la terreur de s'éveiller sur cette planche
hors du monde"
 
"Planches" est publié aux éditions p.i.sage int.érieur, 11 rue Molière 21000 DIJON, http://www.p-i-sageinterieur.fr 
Et le livre, très joliment maquetté, est vendu au prix de 8 €.

vendredi 13 juin 2014

"Chants d'un oiseau de nuit", d'Alain Crozier


Pas de vraie chronique pour le livre d'Alain Crozier, intitulé "Chants d'un oiseau de nuit", pour lequel je suis déjà partie prenante, ayant écrit un coin de sa 4e couverture. 
Mais juste un clin d'œil amical en direction de cette poésie sobre, qui a un style tout à fait à elle, et qui traduit bien, à mon avis, la modernité de notre quotidien.
Ainsi, voilà juste un poème pour vous mettre l'eau en bouche :
 
"Je connais la surface
De ton corps par cœur.
Ta peau est comme
Une autoroute,
Une carte humaine,
Unique.
 
Fente à la tête,
Descendre après,
Une tache de soleil,
Haut du dos,
Os cassé,
Boutons divers,
Petit nez percé
Je connais maintenant
Tous tes petits repères".
 
"Chants d'un oiseau de nuit", est disponible au prix de 13 €. Pour commande, s'adresser à Jacques André Editeur, 5 rue Bugeaud, 69006 LYON, http://www.jacques-andre-editeur.eu/

"L'homme au pliant de toile", de Jean-Yves Lenoir




"
L'homme au pliant de toile" appartient au genre du conte, comme c'est indiqué d'ailleurs en première page du livre.
Pour moi, il s'agirait presque, même, de plusieurs contes reliés par la présence obsédante d'un homme et de son pliant, véritable personnage de théâtre, qui convient à merveille à ce genre littéraire.
En tout cas, "L'homme au pliant de toile" est un drôle de texte, qui présente plusieurs intérêts. 
Tout d'abord, il parle du pays de Loire et à le lire, j'ai l'impression de saisir les caractéristiques intimes de cette campagne, dont les paysages peuvent se définir par leur douceur, leur apparente platitude, qui dévoile en vérité une variété de motifs. Ce texte est en soi un retour au pays de l'enfance, toujours un peu rêvé.
De plus, le héros du conte, qui n'en est pas un, est toujours accompagné d'un pliant (ou de plusieurs) qui le suit partout quand il va au jardin, à la pêche, au café. Vous n'aurez peut-être pas tort de constater que cet homme est un peu beaucoup fou.
Pour autant, et c'est ce qui me plait le plus dans ces pages, le geste de traiter le pliant comme un être vivant, qui est un geste artistique par excellence, amène avec lui l'existence de nouveaux rapports avec les personnes qui entourent l'homme et son pliant.
Ainsi, le monde s'en trouve changé malgré lui. Il suffit juste d'y croire et ce quelque chose de magique, dépasse, en tout cas, le domaine de l'écriture.
Pour vous procurer "L'homme au pliant de toile" de Jean-Yves Lenoir, qui est vendu au prix de 14 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur (Cardère) : http://www.cardere.fr