samedi 30 juin 2012

"Else avec elle", de Lou Raoul


Ces derniers temps, Lou Raoul a pas mal publié (chez Encres vives, Gros textes, aux éditions Henry ainsi qu'un premier livre aux Editions Isabelle sauvage). C'est normal, parce qu'elle écrit très bien !
"Else avec elle" est un livre riche, où la poésie est plus dans ce qui est décrit que dans la forme pour le dire. Pas de poèmes en vers même libres, sauf par fragments. Tout est dans la prose.
Complexe aussi, car les textes qui composent ce recueil sont bâtis sur l'image du double. Le double formé par deux personnages féminins : Elle et les autres : Kyys, Anta, Yuna. Elle et son double, un fantôme, "la femme morte quand elle est vivante". Le double aussi des lieux, La Sibérie, l'Ukraine et peut-être, sans doute, la campagne bretonne.
Elle traverse les vies de ces femmes là, leurs traditions, le poids de leur mort. Elle contemple leur paysage et en fin de compte, c'est elle qui devient le fantôme de ces femmes là.
Leurs vies sont tournées vers la terre, le travail des saisons, l'observation des fleurs et légumes...
J'ai beaucoup aimé la qualité cinématographique de ce recueil, la prééminence des grandes espaces, qui contraste sur des familles resserrées, et où l'image visuelle seule parle.
Il y a du James Sacré dans le background de l'auteur, avec davantage de noirceur et une sensibilité à fleur de peau...
Bon, vous connaissez Traction-brabant, parfois, il m'est arrivé de regretter les non-dits qui débordent du mutisme des personnages qui traversent ce film, mais le non-dit n'est-il pas, malgré ce qu'il m'arrive d'en penser, la qualité poétique par excellence de la poésie intime ?

"Sur les sureaux des fleurs blanches épanouies. Quelqu'une arrive au bourg en mobylette, les chevaux blancs et ébouriffés, la blouse à carreaux par-dessus la robe à fleurs, son petit chien bâtard dans la sacoche fixée au porte-bagages, tout cela dans l'air tiède. Une voix couverte et enjouée.
L'histoire d'Else et de Yuna la femme morte quand elle est vivante est un grain de sable à l'intérieur duquel Else observe les va-et-vient des engins dans la carrière et plus loin, juste après le virage, elle voit la mer. Ses vagues tranquilles sous le soleil". 

Pour en savoir plus sur ce livre, allez sur le blog de l'auteur http://friches-et-appentis.blogspot.com/

Adresse de l'éditeur : Editions Isabelle Sauvage, Coat Malguen, 29410 PLOUNEOUR-MENEZ, editions.isabelle.sauvage@orange.fr

"Dabek se précipite", de Bernard Deglet


Je ne sais pas qui est ce Dabek. En tout cas, c'est un drôle de zèbre, enfin non, c'est un homme, mais un homme qui est comme un enfant, quelqu'un qui se permet de faire ce qu'il veut dans ce monde où la liberté d'ordinaire n'existe pas, et qui montre, au besoin, sa propre conception de la justice... C'est le cas quand notre héros se préoccupe de la coccinelle qui est coincée sur le dos au tableau de bord de son auto, mais ne voit pas la bagnole qui a fait un tonneau sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute.
L'écriture de Bernard Deglet est très précise et agit comme une mise en scène. Il faut toujours faire attention au détail que produisent les choses autour de Dabek, dans ce monde un peu bizarre qui finit par devenir irréel quand il n'est pas regardé sous l'angle de l'habitude.
Ce n'est sans doute pas un hasard si le texte qui compose "Dabek se précipite" a fait l'objet d'une performance à Lyon en 2011. Il y a un côté très fonctionnel dans le monde de Dabek qui se déplace beaucoup et partout, bref, comme un mec d'aujourd'hui un peu curieux de tout mais assez oublieux aussi, avec la spontanéité en plus toutefois.
Nul doute que ce personnage fera de vieux os. C'est la providence qui le veut.

"Parfois un chemin s'impose à lui et il l'emprunte vers les prés, un bois, le grand pierrier. Parfois ce chemin disparaît en chemin. Alors ils restent là en plan tous les deux, c'est à dire Dabek tout seul pensant à son père spécialiste de ces chemins qui commençaient bien et n'allaient pas bien loin, son père roi factice d'un monde beau, petit et étroit qui ne menait pas loin. Lui, donc, et le chemin qui s'oublie. Car tout s'oublie en chemin".

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l'éditeur http://colorgang.eu/

Et sur le blog de l'auteur http://sarieloubal.blogspot.com/

lundi 25 juin 2012

De Pierre Anselmet


Ceci est le recueil sans titre de Pierre Anselmet publié par -36° édition.
Non seulement le recueil n'a pas de titre mais les poèmes qui le composent non plus. Fait assez rare pour être signalé. D'ailleurs, les poèmes ont eu des titres avant de ne plus en avoir. Ne les cherchez plus à présent !
Pierre Anselmet, je l'ai publié pour la première fois en 2007 dans "Traction-brabant" et la lecture de ses poèmes m'a souvent laissé l'impression d'être traversé par une force pas ordinaire. C'est de la rage pure, pas de celle qui s'achète ou se vend...
Alors voilà, ce recueil sans titre succède à "Les nerfs sauvages" publié en 2010  (collection Polder de la revue Décharge) et à "Du monde il avait les yeux noirs" (-36° édition, 2011).
Une galerie de portraits de paumés, et des rapports problématiques avec la mère, voilà ce qui fait la substance de ces textes. Il y a un soupçon de Bukowski là-dedans. Mais pas que. Il y a aussi quelque chose de plus sombre, qui reste après la scansion hachée.

"je ne reconnais plus personne en camisole de
force
je m'appelle Georges Rosses
et mes pensées déraisonnent
mes pensées déraisonnent
ont déraillé à cause d'un sanglier couché
sur la voie
depuis je ne rêve plus que de sangliers
ou plutôt
je ne rêve plus qu'au concept de sanglier
à la métaphysique du marcassin
suis plutôt replet
brun
et sanglé serré sur la table en teck
de l'ambulance
j'urine sur moi car j'ai un peu froid je suis impec
ablement mis
bien de ma personne mais voilà
mes pensées déraisonnent
je m'appelle Georges Rosses
et la Fonte écrase mes orteils et mon crâne
les infirmiers entent la Fonte
les pompiers sentent la Fonte
même les policiers portent cette odeur acide et
opaque
la Fonte
il y a également un vieux sanglier sur le coin
de mon oeil droit
qui semble me veiller
ou se gausser de moi
ou les deux à la fois
je crois qu'il faut que je bute"

Si vous préférez l'eau de vie à la liqueur de violette, rendez-vous sur le site de -36° édition, http://www.edition-36.net
Ou écrivez : edition@edition-36.net
(la couverture est aussi de Pierre Anselmet, belle tête, non ?)

mercredi 20 juin 2012

"A tous les contrariés", de Salvatore Sanfilippo


Qui a dit que la poésie était illisible ?
Le recueil de Salvatore Sanfilippo ne présente que des avantages. Il se lit bien, il y a plein de jeux de mots dedans (exemple : "La sciatique / C'est sciant", ou "Guy lit Guy lit Guy lit" ou encore "Leur nonos d'or"), on ne s'y ennuie pas, les thèmes sont très variés : soutane, tête, Elsa, dispute, veaux vaches, Raymond...
Et puis, des fois, au détour d'un poème, la mélancolie ou l'humour noir s'installe :

"Il aura vécu
Une vie faite
De retenue
D'espoirs déçus
Une vie de brume
De sommeil
Avec ça et là
Un peu de soleil
Trop vite dissipé
Trop vite repris
Par la grisaille..."

ça ne serait-il pas de la poésie ça ?
Pour en savoir plus, contacter :
http://salvatore-sanfilippo.over-blog.com/