dimanche 30 décembre 2012

"Passant l'été", de Jean-Baptiste Pédini


Avec ce recueil poétique intitulé "Passant l'été", Jean-Baptiste Pédini a obtenu le prix de la Vocation 2012, ce qui a permis à son texte de se voir publié par "Cheyne éditeur", l'un des éditeurs les plus connus de notre réseau.
Bon, ces précisions apportées, je quitte au plus vite l'histoire officielle de ce recueil qui pour moi n'est pas la plus importante, même si elle constitue un premier aboutissement pour ce jeune auteur, dont les textes ont été remarqués à plusieurs reprises et par plusieurs revuistes et éditeurs depuis quelques années déjà.
Alors, décrire l'écriture et les caractéristiques du style de Jean-Baptiste Pédini n'est pas si simple que cela, car il ne s'agit ici que de sensations, souvent visuelles d'ailleurs. Mais au lieu de m'y employer, je vais plutôt dire à quoi me fait penser "Passant l'été".
Tous les ans ou presque, l'été, je reviens dans le pays de mon enfance et retourne me baigner dans un étang dans lequel j'ai passé beaucoup de temps, étant adolescent. J'y suis allé à pied, en courant, à vélo et à chaque fois, je retrouve le passé qui redevient illico le présent, lorsque je recommence les mêmes gestes, attendant par exemple d'être sec sur la petite plage au bord de l'étang, dans la tranquillité d'un soir d'été.
Eh bien c'est exactement ce que décrit Jean-Baptiste Pédini dans son recueil. A part que les mêmes choses ne se passent plus près d'un étang, mais près de l'océan. Et d'ailleurs, ce n'est sans doute pas un hasard si le "on" est plutôt utilisé ici que le "je".
La valeur du texte de "Passant l'été" réside donc bien dans ce partage des sensations.

Un exemple choisi parmi tant d'autres : "Le jour décline. On sort de l'eau et on s'écroule brutalement sur les serviettes de lumière qui traînent là. Qui suivent la lente retraite du soleil. On voudrait le pousser d'un coup de pied aux fesses mais on découvre de petites algues sèches sur nos chevilles. Elles s'accrochent comme des sangsues improbables. Et pourtant on y croit. Aux étoiles échouées. A la prochaine veillée. Aux bouches qui fatiguent avec le crépuscule.
On y croit et plus personne n'ose bouger. La plage est constellée de cuisses blanches"

Alors là, s'il ne s'agit pas de vraies vacances, je ne sais plus ce que c'est, moi... D'ailleurs, dans ces vacances là, des absences aussi se devinent... 
A remarquer pour finir, la belle couleur d'orage du livre, si caractéristique.


Et pour en savoir plus, contact : jbpedini@gmail.com

dimanche 9 décembre 2012

"Étranges anges anglais", de Walter Ruhlmann



Le dernier volume en date de poèmes publié par Walter Ruhlmann (par ailleurs animateur du webzine "Mauvaise graine") regroupe trois recueils assez courts, successivement "La naissance des anges", "Deux anges sous la lune" et "Au sortir de la nuit".
L'enjeu de ces poèmes n'est pas la poésie en soi, mais constitue plutôt un hommage rétrospectif de l'auteur à l'un de ses inspirateurs, l'illustrateur Craig McCafferty, avec qui il a vécu une histoire d'amour entre 1995 et 1997, comme Walter Ruhlmann l'explique d'ailleurs dans la préface.
Ces poèmes entretiennent l’ambiguïté, que résume déjà le titre du livre : "Étranges anges anglais", qui joue avec les mots, tout en se moquant d'assonances difficiles à prononcer.
Il s'agit là de poèmes de jeunesse écrits pendant et après un amour de jeunesse. Ce qui transparaît donc, c'est la fragilité de cet amour, en même temps que l'incertitude stylistique des textes qui le raconte : succession de vers moins que plus rimés, formes classiques (sonnets), mélanges d'images qui nous parlent ou ne concernent au contraire que l'intimité des protagonistes. A cet égard, Walter Ruhlmann s'excuse par avance de ces imperfections ou incomplétudes.
Il n'empêche : au fil des pages, les images fortes apparaissent, notamment dans les proses que j'ai tendance à préférer aux poèmes à vers courts : "Toutes ces bouteilles d'eau vidées au-dessus des cendriers sont des réceptacles gris des rêves de l'hiver torturé", "J'ai tant vécu de nuits à ne savoir pourquoi j'avais abandonné les fleurs, les papillons et les églises sombres aux vitraux lumineux", "Tu tapes sur le système décimal à grand fracas de marteau..."
En fin de compte, le lecteur de ces pages ne peut que sentir la mise à nu de son auteur, cette fraîcheur d'inspiration, en perte de vitesse à l'âge adulte...
Et c'est là que réside la valeur de ces poèmes, dans leur honnêteté toujours naturelle. Dans la vie, il faut choisir, et curieusement, la plupart du temps, les poètes préfèrent la pureté de leurs poèmes à celle de leurs sentiments. Eh bien là non, pour une fois...

Pour en savoir plus, écrivez à l'adresse mail suivante : mgv2publishing@gmail.com 

dimanche 18 novembre 2012

"Un jour on a jamais rien vu", de Simon Alloneau

Supplément de la revue de poésie Décharge, la collection Polder permet souvent de découvrir de nouveaux poètes, jeunes ou moins jeunes, dont les styles éclectiques tranchent sur l'élitisme de nombreuses publications (revues ou éditions).
Bref, le dernier Polder en date, "Un jour on a jamais rien vu" de Simon Allonneau, m'a plu comme pas toujours des fois.
Est-ce que c'est de la poésie ? A vrai dire, on s'en fout. C'est de la poésie de loubard, en tout cas, et ça, ça n'a pas de prix. Dans ce recueil, beaucoup de formules sont poétiques. Les mises en situation sont poétiques. Que demander de plus ? En plus, ce recueil se lit bien, atout non négligeable.
Et puis, Simon Allonneau ne s'embête pas avec plein de choses. Son grand-père de 99 ans passe sa journée à fumer, les gosses sont interdits de yaourts.
Dans l'écriture, il faut savoir lâcher prise.
L'auteur aime raconter des histoires de tous les jours, décalées. Il s'interroge aussi souvent sur sa mort et là c'est moins drôle. Mais ça passe...
Son recueil est une suite de poèmes qui se succèdent les uns aux autres sans interruption ou presque. Autre leçon de liberté.
Bon, les vieux poètes diront sans doute que quand même décidément ce jeune il exagère un peu, on a beau être dans la France de 2012 (!), y a des limites. Je les laisse donc ruminer sur ces quelques extraits bien sentis :
"Je ne veux pas mourir cette semaine parce que / j'ai quelque chose à faire la semaine prochaine".
"Madame / si vos enfants n'ont pas les épaules, ils n'ont rien à faire ici; qu'ils quittent l'école et commencent une formation / patineuse".
"on va aimer les chiottes".
"On se serre la main pour savoir qui a la plus grosse main".
"Pendant que les chiens pissent à tous les arbres, / je pense à me poncer les doigts".
Quant aux autres lecteurs qui ont envie d'en savoir plus sur ce recueil, allez sur le site de la revue Décharge : http://www.dechargelarevue.com/


dimanche 7 octobre 2012

"L'homme percé", de Marc Sastre



"L'homme percé" de Marc Sastre a été édité en 2011 par l'auteur et ses Editions Les Cyniques.
Auparavant, Marc Sastre avait publié quatre recueils aux éditions n & b, successivement "Rien qu'une chute", "Soif", "La maison vide", "A défaut de martyrs".
J'ai beaucoup aimé "L'homme percé" pour plusieurs raisons : tout d'abord, parce que passages en proses et poèmes en vers libres sont alternés. Et ensuite, surtout, par le thème traité. En apparence, il est question de la vie en usine, il s'agit de décrire l'usure du corps et de l'esprit chez les personnes qui y travaillent.
Mais ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus. Le propos, surtout s'il est teinté de misérabilisme, ne peut que paraître très ordinaire.
Non, ce qui m'intéresse, c'est la tension vécue par l'ouvrier, sans doute l'auteur, qui sait que derrière l'usine il y a une autre vie qui existe. Attention, cette tension demeure inassouvie. Il n'y a pas de victoire nette du gentil intellectuel sur la brute manuelle. L'idéal serait sans doute, mais à quel prix, de savoir se placer des deux côtés des mêmes gestes. Mais la tension est aussi celle qui existe entre les mondes de l'intellectuel et du manuel, synonyme d'incompréhension totale.
Il n'y a pas d'issue à cette tension dans ce livre, par contre, il en ressort de la vraie lucidité qui réchauffe le cœur et c'est déjà beaucoup. Rare qu'un intellectuel parle bien des manuels, sans les glisser dans du papier cadeau.
Un petit extrait : "Il s'en moque bien du vrai et du faux, ce maçon au ventre riche et rond qui aligne son mur, sans compter ni les pierres, ni les heures, ni les jours qui suffisent à compter son destin. (...)
Le politique ne le touche pas. Il ne touche pas à la politique. Il se fout de tout, sauf de l'alignement de ses pierres. Bientôt, les maisons ne seront plus.
Alors les maçons ne seront plus."
Mention spéciale pour finir à la couverture que vous pouvez découvrir ci-dessous.
Pour en savoir plus sur ce livre et/ou le commander, c'est ici : 

"Aucun souvenir assez solide", d'Alain Damasio


Une fois n'est pas coutume, je vais chroniquer un auteur professionnel.
En effet, ce recueil de nouvelles intitulé "Aucun souvenir assez solide", qui vient de paraître aux Editions de la Volte, m'a paru tellement riche et dense que je ne peux le passer sous silence.
Voici donc quelques remarques sans doute un peu désordonnées, quelques pistes pour vous donner l'envie de découvrir cet ensemble de textes.
D'abord, ce n'est pas de la poésie, c'est de la science-fiction. Enfin, j'aurais presque envie de dire : c'est les deux. Car non seulement les mondes décrits sont très poétiques, mais en plus le style de l'auteur l'est également. Pas toujours facile à suivre, d'ailleurs, avec ses néologismes, ses changements de vitesse pour "rythmer l'action", comme dirait l'autre.
Déjà, rien que le titre, n'est-ce pas une réussite ? "Aucun souvenir assez solide" : je me suis d'ailleurs demandé pourquoi il résonnait bien à mes oreilles. En fait, c'est très simple, il y a deux fois AS dedans, ne me demandez pas ce que veulent dire ces initiales, cependant il se pourrait qu'elles signifient quelque chose !...Le contraire m'étonnerait. Un symbole connu ? Peut-être...
Ensuite, à chaque nouvelle son nouveau monde créé. Bref, un tour de force de l'imagination. Vous voyagez des affres de la dématérialisation aux messages d'amour postés entre des lumières de phares, d'une course en véli-vélo à un livre écrit sur le ciel, des sculptures pétrifiées aux murmures d'un samovar etc.
Et puis, il n'y a pas que ça. La place occupée par le langage est cruciale pour l'auteur et pour ses personnages, le langage que l'on écrit, celui que l'on parle. Et ça c'est déjà plus original, comme arme, dans la science-fiction.
Car malgré la noirceur de quelques uns de ces mondes (pas tous), une note d'espoir est presque toujours là pour valider l'action. Enfin, la réflexion de nature politique n'est pas effacée. Il n'y a pas dans ces histoires que des robots qui font du surplace (on dirait qu'ils ressemblent à des humains). L'homme réfléchit et sait prendre des risques, sans que ça augmente forcément son chiffre d'affaires !
Une bonne dose d'anarchisme serait-elle la solution qui permettrait de modifier le cours des choses, avec l'amour toujours ?
A vous de vous faire votre opinion en lisant "Aucun souvenir assez solide", en allant sur le site des Editions de La Volte : http://www.lavolte.net/


jeudi 4 octobre 2012

"Un poème nous sépare", de Louis Savary


Je viens de recevoir ce recueil de cent aphorismes poétiques de Louis Savary, intitulé "Un poème nous sépare".
Le sujet est poétique par excellence, puisqu'il concerne la poésie.
Bon, de manière générale, je n'aime pas trop que l'on écrive des mots sur les mots, mais là, ce n'est pas tout à fait pareil. Louis Savary écrit sur la poésie et la poésie, est-ce qu'il ne s'agit que de mots ? Je ne le crois pas du tout. Il y a là aussi l'importance du ressenti, qui, chez certains lecteurs, trop logiques, peut ne pas exister !...
Dans ce recueil, je ne prétends pas avoir apprécié tous les aphorismes, c'est la loi du genre de ne pouvoir toujours grimper aux sommets, par contre, l'auteur me semble avoir une sacrée expérience de la poésie, comprenez, de la vie !
Et donc, j'ai par dessus-tout quand, sans saborder la profession de poète, Louis Savary fait preuve d'ironie, voire de cruauté envers (et en vers) lui-même.
Exemple : "sans doute avais-je besoin/ de me consacrer à la poésie/ pour me donner l'illusion/ d'avoir vécu" ! Excellent : combien de poètes veulent ne pas voir cette réalité là en face ?
Pas mal aussi celui-là : "la poésie/ c'est l'enfant/ que la vie/ m'a fait dans le dos"...
Pour en savoir plus sur ce recueil, vous pouvez écrire à Louis Savary : louis.savary@skynet.be

Sachez en outre qu'à partir du 11 octobre 2012, à Bruxelles (Théâtre-Poème 2), aura lieu la première du spectacle "Blind poets blues", avec des textes de Laurence Ferlinghetti et Louis Savary.

jeudi 20 septembre 2012

"Le laitier de Noël", de Roland Counard


"Le laitier de Noël", de Roland Counard, 7e titre au compteur des éditions du Pont du Change, est un texte qui fonctionne bien, et qui surprend, même !
Ma première impression, en tant que lecteur, est que l'auteur a réussi à régler le problème de la forme du roman, voire du roman policier, par la forme du poème.
Chacun des textes, qui composent ce court roman (75 pages) ressemble en fait presque à un poème en prose. D'ailleurs, si le livre est court, c'est parce que les pages blanches qui pourraient séparer un texte d'un autre ne pourraient servir qu'à le remplir de non-dits !
L'histoire est celle d'un enfant qui interprète les signes du quotidien comme le font, je pense, tous les enfants, c'est à dire avec de l'intuition. Et tant que les signes sont normaux, tout va bien !
Je ne peux hélas vous en dire plus, sinon cette petite chronique déflorera "Le laitier de Noël"!

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site des éditions, http://lepontduchange.hautetfort.com

samedi 28 juillet 2012

"La mort c'est nous", de Michel Merlen et Catherine Mafaraud-Leray

Un sacré duo pour un sacré recueil de poésie ! Cet empilement de chroniques pourrait faire croire que tous les recueils se valent à mes yeux mais celui-là est sans doute parmi les meilleurs des meilleurs que j'ai chroniqués jusqu'à présent.
Il y a quelque chose de très précieux dedans : deux vieux de la vieille qui nous montrent ce qu'on peut faire avec des images en poésie. Et ça marche plutôt très bien !
Avec "La mort c'est nous", j'ai l'impression de faire le plein d'images comme on va faire son plein d'essence, ce qui est, au passage, beaucoup plus drôle !
Catherine Mafaraud-Leray a un style aisément reconnaissable, tout feu tout flamme. L'aiguille de sa boussole ne peut être que celle de la liberté. Ses poèmes n'ont pas de balises ou du moins ils n'ont pas des balises habituelles. En les lisant, on se dit que tout peut s'écrire, que les possibilités dans ce domaine sont encore immenses. Voilà des textes qui déménagent ! J'aimerais en lire beaucoup des comme ceux-là, je l'avoue.
Malgré tout, je préfère les poèmes de Michel Merlen, qui, à mes yeux, font mouche au moins dans les trois quarts des cas. Là aussi, il y a des images mais il y a surtout beaucoup de retenue, comme si sa voix tempérait l'autre voix, ce qui n'est qu'une question d'écriture, bien entendu.
Les images sont ici distribuées aux lecteurs comme des graines aux pigeons, une à une, avec économie. C'est le parfait dosage entre poésie visuelle et simplicité des constats, sans artifice, y compris dans la simplicité. Je crois bien que Michel Merlen est l'un de mes poètes préférés.
Ici, les deux poètes nous parlent essentiellement d'amour et de mort, et leur regard rétrospectif rend hommage aux gens qu'ils ont aimé ou qu'ils aiment. Et là, ce n'est pas comme à la télé, c'est du sérieux ! "La mort c'est nous", ou comment braver la mort, à sa manière !

Deux poèmes exemples :

Le premier de Catherine Mafaraud-Leray :


"DANS UN CHAMP DE COTON BLEU

Mourir au bord d'un banc
Des oiseaux
Plein les oreilles

Crever au drap du lit
Intouchable
Sur un paillasson de rêve

En finir aux gencives d'un fossé
Dans la boue
Quand crépite la lumière

Clamecer sans drapeau
Hirsute
Derrière une stupide colonne militaire

Claboter
Du plus haut de la Tour de Dubaï
Eclaboussée d'aube en soleil

Faire son trou avec un gang de mésanges et de
portraits
Dans un champ de coton bleu
Où deux jeunes cerfs s'embrassent lentement."

Et le deuxième de Michel Merlen :

"LE CHEVAL

Avec mes mains endormies
un cheval bleu s'envolait
sur des prairies de rêve
les arbres gardaient le secret
dans le ciel il lançait des étoiles
c'était l'écriture du ciel
et si l'on chantait
le cheval bleu revenait
avec sa crinière sourire
ses pattes d'avenir
et son regard qui n'était pas
celui d'un cheval."

Pour en savoir plus sur ce recueil à deux voix pour le prix d'une, allez faire un tour sur le blog des éditions Gros Textes, http://grostextes.over-blog.com/


"Pendant l'éclipse", de Jacques Allemand


"Pendant l'éclipse" est un recueil qui, pour moi, porte mal son nom. Car, quand je lis les poèmes qui le composent, je ne vois aucune éclipse, au contraire, il n'y a pas de textes plus solaires que ceux-ci.
Alors, peut-être que l'auteur fait allusion au moment de l'écriture, un moment de recueillement, l'éclipse, qui suit l'instant vécu en pleine lumière. En tout cas, il n'y a pas à dire : ça sent le sud ! Tous les poèmes, ou alors je me trompe, se passent dehors, en ville ou à la campagne, dans des endroits plutôt touristiques. Les personnages décrits le sont davantage par leur état d'esprit que par leur apparence.
C'est très écrit, comme recueil, mais justement c'est très bien écrit. Me plaisent ici le sens de l'image ou plus exactement, du détail déployé par l'auteur, qui donne l'impression que chacun des moments dont il est ici question est unique. Alors, bien sûr, il n'est pas interdit d'y calquer sa mythologie personnelle de lecteur.
Enfin, et j'allais l'oublier, ce sont des poèmes heureux, non parce que des gens sérieux nous ont dit qu'il fallait être heureux parce que sinon ça fait tache. Non, ces poèmes là sont heureux parce qu'ils aiment la vie, tout simplement. Et les poèmes heureux avec naturel, il ne faut pas les rater !

Un texte pour appréciation :

"elle garde peu pour elle
plutôt par négligence
elle croit à ce qu'elle invente
son intérêt va aux bateaux qui tiennent le cap
sans perdre le sens de l'exception
aux oiseaux qui ne chantent pas pour un territoire
juste pour agacer le chat
aux hommes qui réparent pour quelques jours
et s'en vont sans se retourner exercer ailleurs leurs talents
bref, quelques-unes des vies parallèles
ni gaies ni tristes
la carte des possibles sur les genoux
le crayon sur l'oreille".

Pour en savoir plus sur ce livre, contacter l'éditeur (propos2 éditions), http://www.propos2editions.net


vendredi 27 juillet 2012

"L'oiseau et le ciel", de Frédéric Jimenez


Il s'agit là d'une réédition par les éditions Gros Textes d'un recueil d'abord édité par Guy Chambelland en 1977.
L'auteur, Frédéric Jimenez, a écrit ces poèmes à l'âge de 11 ans. C'est la particularité qui saute aux yeux, surtout quand on la connait ! 
Guy Chambelland explique : "j'ai édité ces poèmes parce qu'ils m'ont touché par une façon que, forcément, l'adulte a perdue, de dire les choses tout simplement".
Oui et non. Je dirai plutôt spontanément que simplement. A moins que simplement ne rime avec poétiquement. Frédéric Jimenez a l'art de trouver les raccourcis que les adultes ont du mal à dénicher, mais ces raccourcis de langage mènent souvent de la vie à la mort. Et qu'est-ce que l'enfant parle de la mort ! C'en est même incroyable. Vive la poésie naturelle alors !
Et ça m'amuse de savoir que l'auteur a plus tard quitté la poésie pour la musique : plutôt une promotion !

Un poème en prose... "La vie..."
La vie est une feuille qui balance vers la mort ou vers la vie
Si vous bercez du côté de la mort ne vous agrippez pas au bord laissez-vous tomber vous ne serez pas le premier
Si vous bercez du côté de la vie souriez regardez admirez puis vous balancerez dans le géant trou vaste et silencieux qui est la mort
Moi je suis déjà mort ou presque
Dans ma jeunesse j'ai voulu connaître la mort, j'ai balancé et j'ai sauté tête la première dans ce grand trou tout triste, j'ai voulu trouver ce monde souterrain et je l'ai trouvé

Je ne regrette pas la vie, si j'en avais une deuxième je ne reviendrai pas car en ce moment je me demande ce qui se passe de mal

Et si je reviens ce sera quand il n'y aura plus personne sur la Terre, je serai seul et je raconterai la mort aux pierres et à l'eau, je cueillerai des fleurs et je les mettrai autour du grand trou noir qui sera mon ami."
Pour se procurer le livre, s'adresser aux éditions Gros Textes : http://grostextes.over-blog.com/ 

samedi 21 juillet 2012

"Le voyage somnambule", de Jan Bardeau et Seb Russo



Je viens de recevoir ces quelques pages et tout de suite j'ai flashé à la fois sur le texte de Jan Bardeau et les illustrations de Seb Russo, qui évoquent la bande dessinée fantastique et illustrent le texte en restant fidèle à son esprit.
Cette production n'a qu'un défaut : celle d'être trop courte ! D'un autre côté, est-ce que quelqu'un serait prêt à éditer un aussi bon texte rempli d'espoir et en même temps épris de hargne ? Je n'en suis pas certain ! L'espoir, on fait toujours semblant, et la hargne, on en manque singulièrement, on pense que ce n'est pas vendeur...
Pour vous situer l'ambiance, cela me rappelle celle de certains des livres de Christophe Manon, en moins brut concret.
Ce que j'aime aussi, c'est l'enveloppe littéraire dégagée par le & (une esperluette, t'as vu un peu, pas un blog de naze ici !), beaucoup plus jolie que la police d'un pauvre et, bien terre à terre. Hé oui, ça compte des choses comme celles-là...
Voici le début de ce "voyage somnambule" :

"Je pars, je pars à la recherche de cet endroit, cet endroit où l'on accueille l'étranger à bras ouverts, on lui propose le gite & le couvert & on discute tard dans la nuit, pour le plaisir, le simple plaisir de lier des amitiés & de délier la langue, le plaisir simple de trinquer, de partager un peu de nos vies. Je pars en cet endroit peuplé de sourires, où les odeurs, les couleurs, le soleil nous enivrent, nous rendent gais sans bien savoir pourquoi".

Pour vous procurer l'opuscule, écrire à Jan Bardeau : disharmonies@free.fr

"Les derniers seront les premiers", de Thomas Vinau



Bon sang ! Va falloir se lever tôt pour écrire des poèmes aussi naturels que ceux de Thomas Vinau !
A la fin, je finis même par me demander si c'est si naturel d'écrire des poèmes aussi naturels !
Car la poésie, chez le Thomas, elle semble sortir direct du stylo, et quand arrive la chute, je me retrouve scotché à l'absence de point. Un exemple subjectif parmi pas mal d'autres :
"boire
l'alcool gris
du ciel

le mauvais vin
du vide qui fermente"

Bon, des fois, il y a tellement de sagesse là dedans ("Les derniers seront les derniers", on peu pas dire le contraire !) que j'ai envie de dire au Thomas : lève toi et marche, va nous la casser, la baraque, surtout surtout si ça sert à rien, et deux pages plus loin, me voilà rassuré : "Salis toi. Pour te nettoyer les yeux des vieux mensonges du poème".
Ta rage n'est pas perdue ! 
Allez, un autre pour la route :

Miracle

"Que cette société
n'explose pas
à chaque nouvelle
seconde
tient du miracle
par exemple
je ne pige toujours pas
comment font les gens
dans la rue
pour ne pas bondir
sur ton cul
et le mordre
à pleines dents
quand tu passes"


Bon, vous pouvez y aller les yeux fermés, ce livre se lit comme une baguette achetée à la boulangerie à 7 heures du mat. Y a plus qu'à se lever pour y aller ! Et pour y aller, c'est http://www.lepedaloivre.fr/

vendredi 20 juillet 2012

"Copeaux d'un cirque", d'Etienne Paulin



Quelle écriture que celle d'Etienne Paulin ! A une époque où dans leur quête de la simplicité, pas mal de poètes adoptent un style plus journalistique ou se bornent à ne pas sortir d'un lyrisme plus apaisé, l'auteur dessine un trait d'union avec toute une époque glorieuse.
Et là j'évoque le nom de Rousselot, car ces poèmes-ci évoquent la puissance des meilleurs vers de cet auteur déjà oublié. Aucun doute là-dessus : les textes d'Etienne Paulin ont de l'allure, de l'exigence, un vrai port de tête. Ici, les images poétiques ne sont pas qu'un prétexte. Qu'est-ce ça change des têtes baissées dans le quotidien !
Dans ces poèmes, il est beaucoup question du poème, ce qui ne me plait pas d'ordinaire (l'écriture sur l'écriture !), mais là il s'agit d'une exception car l'auteur parle surtout, me semble-t-il, des limites de la poésie, notamment par rapport à la musique. Le grand mot est lâché, le mot important. La musique dans la poésie, c'est essentiel non ? Eh bien ici, il y en a.
La suite du recueil est plus énigmatique, Etienne Paulin s'évade de l'écriture dans les souvenirs ou dans d'improbables voyages, pas franchement distrayants, ce qui me fait plutôt plaisir ! Et la boucle n'en sort pas bouclée...

Voici un poème témoin :

"CŒUR NET

je t'aimais dans l'autre enfance la dernière

le paradis depuis s'est répandu
les miracles sont fréquentés
nos oncles meurent ou sont morts

pourtant la vie musquée chantante
dans les villes terriers de nos paupières

entends ce carillon posthume et soigne-le
comme la patte d'un insecte"

Mention spéciale pour les couvertures des recueils de poètes en potager (celle-ci est de Dominique Fournil). Cela donne envie de lire de la poésie ces couleurs claires et ces fleurs, et dire qu'en fait, en arrière-plan, il y a juste un brouillon de poème !...

Pour en savoir plus sur ce recueil (et les autres !), allez faire un tour sur le blog des éditions et de la revue Contre-allées http://contreallees.blogspot.fr/

"Du côté de Vésanie", de Morgan Riet


Je chronique encore un livre publié par les éditions Gros Textes. Mais c'est une maladie ! Non, non, pas du tout, c'est parce que les livres publiés ici m'intéressent !...
"Du côté de Vésanie" semble faire référence à un petit coin de paradis. Eh bien, c'est loin d'être le cas ! Puisqu'il s'agit d'un voyage en milieu psychiatrique, là où les aliénés mentaux sont enfermés. Les fous pour dire comme ceux qui sont dehors. Car la folie n'est pas très éloignée de nous, souvent...
Morgan Riet, l'aède soignant, décrit des moments de vie passés avec les patients. Et là, il sait de quoi il parle. Ce qui m'a plu dans ce recueil, c'est de voir comment l'auteur ajuste son style suivant les personnes dont il parle, semblant imiter les symptômes de leur maladie mentale.
Il y a du nerveux, du rythme dans cette poésie, une musique de la brièveté des instants vécus. Même la forme des poèmes est syncopée. Les mots peuvent être coupés, les strophes irrégulières. Non, cette poésie n'est pas classique. Et surtout, surtout, elle ne donne pas dans l'apitoiement.
Mention spéciale aux illustrations de Matt Mahlen, découpages plus que collages qui n'essayent pas d'éliminer le blanc de la page, comme une illustration de personnalités à trous.
Je n'ai qu'un seul regret avec ce recueil, petit par la taille mais mignon par la présentation, qu'il ne dure pas plus longtemps. J'aurais aimé y lire plus de poèmes, tout simplement.
Allez ! En voilà un pour témoin :

"Fou comme un lapin

"Celui-là, dit l'infirmière,
il est fou comme un lapin
qui aurait grignoté
de drôles de carottes
au goût de cartoons et compagnie !...
et ces choses-là, ajoute-t-elle,
ça fout parfois un brin la frousse,
car ça pousse
comme du chiendent
dans sa cervelle Bip Bip
qui galope, qui galope, qui galope
et détale, ouh la la !
à fond les ballons, les neurones,
et dedans,
et dehors
                    le clapier d'office !"

Contact pour commander le livre : http://grostextes.over-blog.com